Patrice LeconteLà-bas, loin, très loin, quasiment au ras de l’eau (comme on dit par ici), la silhouette d’un type, difficile de déterminer sa taille à cette distance, disons un bon mètre quatre-vingts, un grand type donc, habillé en noir, et qui court tant qu’il peut pour tenter de faire décoller un cerf-volant malgré l’absence totale de vent. Il est flanqué d’une fillette, qui court elle aussi, à la poursuite de l’objet récalcitrant et qu’elle aimerait bien voir s’envoler sans qu’il soit nécessaire de se démener ainsi.
De plus près, on constate que le grand type mesure en effet pas loin d’un mètre quatre-vingts, il est mince, brun, il a environ quarante ans, et il est plutôt séduisant avec ecette mèche qui lui retombe souvent sur le front et qu’il remet en place d’un geste machinal. Séduisant en effet, mais il a du mérite à l’être, car il est habillé d’un costume de ville dont il a relevé le bas des jambes à mi mollets (comme un promeneur qui n’aurait pas prévu de se retrouver au bord de la mer), afin d’être pieds nus sur le sable humide. La fillette, qui peut avoir une douzaine d’années, a la maigreur des enfants en pleine croissance, deux jambes allumettes qui sortent d’une jupe ou d’un jean, mais elle est rapide et vive et d’une gaieté folle.
Après tant de tentatives, épuisé de toutes ces galopades vaines, le grand type en costume finit par renoncer. Il s’arrête, se plie en avant, pour reprendre sa respiration, les mains posées sur les genoux, la mèche dégringolant sur le front.
– On n’y arrivera… jamais…
– C’est pas grave, lui répond la fillette en riant.