Harlan CobenPapa se pencha en avant.
– Nous autres parents, nous surestimons très largement notre importance.
– Tu es trop modeste.
– Pas du tout. Je sais que tu nous prends, ta mère et moi, pour des parents exemplaires. Ça me fait plaisir. Sincèrement. Et peut-être que nous l’avons été pour toi, même si tu as occulté bon nombre de nos défaillances.
– Comme quoi ?
– Je ne vais pas ressasser mes erreurs maintenant. La question n’est pas là, d’ailleurs. Nous avons été de bons parents, je suppose. La plupart des gens le sont. Ils font de leur mieux et, s’ils commettent des erreurs, c’est parce qu’ils veulent trop bien faire. Mais en vérité, nous, les parents, sommes dans le meilleur des cas, disons, des mécanos. Nous pouvons régler le moteur et vérifier les niveaux. Nous pouvons faire tourner la voiture, nous assurer qu’elle est en bon état de marche. Mais la voiture est ce qu’elle est. Quand elle entre au garage, c’est déjà une Toyota ou une Jaguar. Tu ne peux pas transformer une Toyota en Jaguar.Myron grimaça.
– Une toyota en Jaguaur ?
– Tu comprends ce que je veux dire. Je sais que la comparaison n’est pas bien choisie et, maintenant que j’y pense, elle ne colle pas vraiment car je donne l’impression de porter un jugement de valeur, genre la Jaguar est mieux que la Totota. Or ce n’est pas vrai. Elles sont différentes, avec des objectifs différents. Il y a des gamins qui sont timides, d’autres expansifs, certains aiment les livres, certains le sport, que sais-je. Et la manière dont on vous éduque n’a pas grand chose à voir là-dedans. On peut vous incluquer des principes, mais quand on essaie de changer ce qui existe, on finit toujours par se planter.
– Quand on essaie de transformer la Toyota en Jaguaur ?
– Ne fais donc pas le malin.Il n’y avait pas si longtemps, avant de se réfugier en Angola et dans de tout autre circonstances, Terese lui avait tenu exactement le même discours. La prééminence de l’inné sur l’acquis. Son raisonnement était à la fois glaçant et réconfortant, mais dans le cas présent, avec son père assis sur la terrasse à côté de lui, Myron n’y souscrivait pas vraiment.
C’est un question que je me pose souvent. 3 enfants si différents, chacun a développé ses propres qualités innées. Et pourtant s’il a pu les développer c’est grâce à un terreau commun, des valeurs, de l’amour partagé le plus équitablement possible…