Jacques PeterD’une façon générale, l’homme a bien du mal à s’inscrire dans le temps et dans la durée du temps. Penser le temps, c’est comme labourer la mer, constate Étienne Klein dans son livre au titre provocateur : « le temps existe-t-il ? ». Et déjà Saint-Augustin, dans une méditation justement célèbre, reconnaît la quasi impossibilité de bien parler du temps ! Oui, il est bien difficile à l’homme de se reconnaître dans la quatrième dimension – le temps – alors qu’il se meut avec aisance dans les trois autres. Paul Valéry disait, déjà avant la guerre de 39-45, « nous tombons dans l’avenir en reculant ». On peut constater cette impuissance viscérale des gens de toutes sortes à considérer l’avenir, au-delà bien sûr de leur espace personnel, circonscrits à leur égoïsme, à leur pré-carré et strictement dans le droit-fil de leurs habitudes. En somme, les gens sont, en général, fatalistes…
L’homme a quand même inventé quelques façons de se rendre maître du temps, ou plutôt, de se donner l’illusion qu’il est le maître du temps comme il veut l’être de l’univers. Pour se débarrasser des pythies et autres diseuses d’oracles en forme de viscères d’oiseaux, pour se dispenser du noir de café, l’homme a inventé des programmes, des plannings, qui lui servent à se sentir maître du temps. En vue d’une espérance de la paix sociale, il a aussi inventé des traités et conventions pour tenter de réguler les comportements erratiques de ses partenaires, concurrents, adversaires et ennemis. Un temps planifié, c’est un temps maîtrisé, en quelque sorte colonisé. À condition que l’on puisse à peu près prévoir ce que demain pourrait être fait…
Certains d’entre nous persistions à croire que demain pourrait être meilleur qu’aujourd’hui. Mais voilà que « l’avenir n’est plus ce qu’il était », constatait le même Paul Valéry ! Alors, comment prévoir ? On ne peut pas faire l’effort de se retourner pour regarder demain : il est caché dans un état brouillard.