Anne-Marie Echard-FournierRécemment, son corps s’était alourdi, empâté par la boisson, bouffi par les cigarettes, raviné par les insomnies, chiffoné par les déceptions. Sa taille s’était épaissie. Les paupières lourdes, la peau fripée de minuscules ridules, le teint pâle, ne parvenaient à ternir sa grâce. Son allure n’était pas altérée, son corps généreux se mouvait avec charme, en un léger déhanchement. Il émanait d’elle une grande séduction. Et puis ses yeux, le bleu transparent de ses yeux, qui parfois se tachetait de points d’or, ou virait au vert, ce regard indéfinissable, souvent voilé d’une mélancolie passagère, ou d’une tristesse infinie, animait son visage, et préservait la beauté qui la faisait, autrefois, remarquer en tous lieux. Les cernes bleutés donnaient une touche mystérieuse, agrandissaient les yeux. Un voile de fatigue ajoutait au charme d’un visage à peine vieillissant, lui donnait du caractère. Il est des visages marqués par l’âge et la souffrance, qui sont d’une rare beauté. Et puis sa voix rauque et sensuelle, troublante pour les hommes qui l’approchaient…
Autrefois, il n’y a pas si longtemps, lorsqu’elle descendait l’escalier de l’amphi, à la fac, tous les regards se tournaient vers elle. Certains la sifflaient. On la remarquait toujours d’ailleurs. Son charme perdurait.